Reprendre - Ni sang ni dette
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page mise à jour le 1/11/15

 

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E.G. Inspecteur des Finances, administratrice et dirigeante de sociétés.

J'ai lu "Reprendre" avec plaisir, car c'est un pamphlet tonique et drôle, et c'est un tour de force d'avoir réussi à rendre les finances publiques et la politique économique aussi passionnantes qu'un roman !
Votre idée est intéressante et mérite bien sûr d'être affinée, mais ce que j’en retiens c'est que, dans votre système :
- ce sont réellement les employés qui font la fortune de l'entreprise - non seulement par leur capacité de travail, mais par le financement qu'ils apportent avec eux,
- on donne ainsi corps à un rééquilibrage des rapports sociaux, et à un retour du capitalisme actionnarial vers un capitalisme plus attentif au travail,
- on transpose à la politique de soutien aux entreprises les principes du "wikinomics" : la décentralisation des décisions, la sagesse des foules, la suppression des coûts de structure de la gestion des aides publiques. Ce n'est pas un fonctionnaire dans un bureau, ni même un comité, qui décide de quelle entreprise doit être soutenue : ce sont les salariés lorsqu'ils décident de rejoindre l'entreprise et d'y rester.

Le point sur lequel je garde un doute, c'est l'impact sur le déficit. Votre raisonnement ne vaut que dans la mesure où la comptabilité publique fonctionnerait effectivement en comptabilité d'exercice. Or mes vagues et anciens souvenirs me laissent sur l'idée qu'on est plutôt en comptabilité de caisse, la loi de finances de l'année ne comptabilisant que les dépenses et les recettes ayant vocation à être exécutées dans l'année. Si on est en comptabilité de caisse, alors l'inscription, en contrepartie des charges immédiates, de recettes qui ne seront encaissées que dans vingt ou trente ans ne fonctionne évidemment pas - et du coup la partie de votre raisonnement qui montre que votre dispositif fait disparaître la dette est invalidée.

JMT. Le Sénat s’est longuement penché sur la question, remarquant que l’Etat faisait déjà des entorses au principe de la comptabilité de caisse : "Les créances fiscales de l'Etat posent un problème particulier pour la comptabilité régie par les principes de l'exercice. En effet, elles ne sont pas recouvrées dans leur intégralité, ou peuvent être recouvrées plusieurs années après l'émission du rôle correspondant, à l'occasion de mesures de redressement fiscal notamment.” cf Etude menée sur la réforme de l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, § E.1 . Finalement, la LOLF, en vigueur depuis 2006, stipule en son article 30 que "la comptabilité générale de l'Etat est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement."

E.G. Avez-vous réfléchi à l'effet pro-cyclique du dispositif ? Quand une entreprise va bien, elle embauche, du coup elle reçoit de nouveaux DDT et va encore mieux. Quand une entreprise va mal, elle licencie, perd des DDT, d'où crise de trésorerie qui précipite sa chute.

JMT. Ce dispositif n’est pas fait pour empêcher la nécessaire destruction créative des canards boiteux, mais pour prévenir la disparition prématurée d’entreprises saines en raison de circonstances extrinsèques, comme la crise actuelle de la dette et ses conséquences sur le crédit. Quant aux canards boiteux, il retarde autant que possible le moment fatal, mais lorsqu’il survient, dans un geste de miséricorde, abrège les souffrances de l’agonisant, tout en conservant intacte la capacité de financement de ses salariés, qu'ils emportent avec eux, à la disposition de leur nouvel employeur : grâce aux DDT, si le Titanic coule, les passagers et membres d'équipages restent insubmersibles. Contrairement aux aides actuelles qui ne sont souvent que de vains soins palliatifs, qui n'empêchent ni la perte du navire, ni celle de l'équipage.

E.G. Quel est le statut comptable des DDT ? Je crois comprendre dans votre exposé qu'il s'agit de prêts perpétuels (tant que l'employé est dans l'entreprise, celle-ci n'a pas à rembourser la ligne de trésorerie) ?

JMT. Il s’agit de lignes de crédit à court terme pour financer en priorité le BFR. Elles sont mobilisables à première demande en tant que de besoin : payer une échéance, acquérir des matières premières pour une commande... Sous certaines conditions, elles peuvent être activées pour des financements à plus long terme. Elles fonctionnent à la manière des produits de credit-revolving, sur la base d’un échéancier de  remboursements périodiques. A ce titre, elles apparaissent comme dettes au bilan des entreprises, contrairement aux aides actuelles qui n'étant pas remboursables pour 95% d'entre elles y sont inscrites en recettes, et – profitant pour 95% d'entre elles aux entreprises du CAC40 et à leurs filiales – constituent la quasi totalité de leurs 200 milliards de bénéfices.

E.G. D'une manière générale, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris l'articulation entre stocks et flux dans votre dispositif. Peut-être cela mériterait-il clarification.

JMT. OUI. Il faudrait décidément mettre en bonne et due forme la cascade des différentes écritures  : Budget de l’Etat – Trésorerie – Compte d’exploitation de la Caisse - Trésorerie de la Caisse – Comptes des entreprises – Comptes des titulaires. La difficulté, comme vous le savez, vient de ce que les formalismes et surtout les philosophies des comptabilités publiques et privées ne coincident pas. Après mûre réflexion avec mes interlocuteurs à la Cour de comptes, il a été jugé préférable de présenter en annexe K une synthèse des écritures selon les conventions de la comptabilité privée - en pariant sur un alignement prochain du plan comptable de l'Etat sur celui des entreprises.

E.G. Si l'Etat ne se rémunère qu'à un taux minimal, sans prendre en compte l'inflation et la croissance, alors le "pouvoir d'achat" des dots va diminuer - c'est-à-dire une ligne de trésorerie de 20.000 euros aujourd'hui, c'est beaucoup pour une PME ; 20.000 euros dans 30 ans, en combinant inflation et croissance intervenues (peut-être) d'ici là, cela représentera peut-être des clopinettes.

JMT. OUI. Cela dit, si ce dispositif permettait vraiment de sortir de la dette d’ici à quinze ou vingt ans, l’objectif principal serait atteint. Et avec des finances assainies et la croissance durablement revenue, l’Etat pourrait peut-être envisager d’abonder les dots pour compenser l’érosion.

E.G. Comment intégrez-vous la démographie (nombre d'entrants et nombre de sortants du dispositif) dans la simulation des effets macro ?

JMT. J’utilise les projections de l’INSEE Données détaillées des projections de population 2007-2060, pour la France métropolitaine - Hypothèse centrale qui indiquent les effectifs à 18 et 65 ans pour chaque année donnée.

M. Directeur général d’une PME (540 salariés) dans l’aérospatiale

J’ai à la fois du mal à comprendre comment votre idée, si elle était retenue, marcherait dans la pratique et comment elle améliorerait la compétitivité de l’économie française qui en a bien besoin. Mais j’ai l’impression que vous n’êtes pas convaincu que l’amélioration de la compétitivité de notre économie soit un impératif majeur. Ai-je raison ?

JMT. Je préfère vous en laisser juge : Annuler en quinze ans la dette publique...
... ouvrir à toutes les entreprises, dans le même laps de temps, jusqu’à deux mille milliards de lignes de crédit à taux réduit...
... sécuriser, en diminuant de deux cents jours leur BFR, le développement de ces mêmes entreprises, notamment de ces PME qui nous font tant défaut, dans la tranche des deux cents à deux mille salariés, si déterminantes dans la réussite de l’Allemagne...
... renforcer ce faisant le lien des salariés à leurs entreprises...
... et pour finir restituer aux contribuables – entreprises comme particuliers – deux cents milliards par an d’impôts et taxes...
... serait-ce bon pour notre compétitivité ?

G. Ancien directeur général des Impôts. Ancien préfet. Ancien PDG d'une entreprise de services à la personne (6000 salariés dont 900 en France).

Je suis tout d'abord impressionné par  votre connaissance des mécanismes économiques et financiers et par l'acuité du regard  sans complaisance que vous portez sur l'actualité : vous montrez, chiffres à l'appui, qu'on nous raconte beaucoup d'histoires sur le contenu réel et les enjeux de la crise et je dois dire que je partage assez largement le diagnostic féroce mais lucide que vous formulez sur le rôle des banques. Je trouve aussi que vous maniez l'humour avec dextérité et que vous avez un sens aigu de la formule qui fait mouche – j'ai adoré votre raccourci de la mondialisation : "les recettes en Europe et aux Etats-Unis, les dépenses en Asie et les profits aux  Iles Caiman".
Sur le fond, je trouve votre mécanisme de DDT garantissant les aides aux entreprises très brillant et innovateur, à un moment où l'on a bien besoin  de renouveler la politique économique. Mais, est-ce mon âge ou ma prudence d'ancien fonctionnaire, j'ai quelque difficulté  à penser que ce mécanisme  puisse réellement aboutir aux résultats que vous décrivez.
Je partage votre analyse sur le caractère très opaque  et exagéré du système français d'aide aux entreprises et j'ai encore le souvenir d'un échange assez vif que j'ai eu sur ce sujet avec le P.-D.G. d'une grande banque française lors d'un débat qui se tenait au Conseil économique et social il y a quelques années et où je plaidais qu'il fallait sérieusement revoir ce système y compris la très coûteuse exonération de charges compensant le passage aux 35 heures. Ceci étant, le chiffre de 200 milliards est un fourre-tout dans lequel on trouve un certain nombre de mécanismes utiles, comme le crédit impôt recherche (à condition qu'il bénéficie plus aux PME). Par ailleurs, vous savez bien qu'une partie de ces aides directes et indirectes  servent en fait à  compenser le poids des charges qui résulteraient de l'application au sens strict de nos législations fiscale et sociale. Ainsi nos gouvernements successifs se donnent le beau rôle d'une législation à la fois rigoureuse et généreuse, tout en acceptant, par de multiples canaux, que l'Etat prenne à sa charge des coûts qui devraient normalement être supportés par l'économie.  Et ceci, comme vous le montrez très bien, contribue à créer de la dette. C'est un  système peu courageux, générateur de beaucoup d'effets d'aubaine, mais aucun gouvernement ne s'est jusqu'ici réellement attaqué au problème. C'est, nous dit-on, dans le programme de Hollande et Ayrault. Il faut quand même ajouter qu'il existe d'autres facteurs d'endettement qui sont le poids exagéré de l'Etat et le coût excessif et partiellement mal orienté de notre protection sociale.
Votre système de DDT serait évidemment une solution radicale. Mais comment passer, sans bouleversements non gérables, d'un système à l'autre ? Par ailleurs, le montant des crédits ainsi mobilisables ne dépendant que du seul critère du nombre de salariés, comment pourrait-il prendre en compte d'autres éléments tels que la recherche, l'investissement, la localisation des entreprises, etc. Sans doute un marché secondaire de ces droits se créerait-il mais, sauf mauvaise compréhension de ma part, il me semble que vous ne le retenez pas.
Je suis également dubitatif sur la capacité de notre pays à révolutionner ainsi tout seul les mécanismes du crédit et je m'interroge sur l'effet de contagion qui vous paraît, semble-t-il, aller de soi.
En définitive, même si je ne suis pas convaincu, je salue la lucidité du constat et l'audace de la proposition. Après tout, les  "utopies" de quelques grands écrivains ont servi à guider la pensée économique. En ces temps de morosité sinon de désespérance (oh la cruauté bien sentie de votre observation sur le caractère quasi exclusivement "sédatif" de l'action politique  contemporaine !),  le caractère tonique de votre ouvrage devrait intéresser et susciter des débats fort utiles.

JMT. Sur la possibilité de mobiliser réellement ces fameux deux cents milliards d’aides directes et indirectes aux entreprises j'ai, comme vous, des doutes. Disons, pour m’exprimer en termes de recherche pétrolière, que j’ai retenu la taille théorique du réservoir, sachant que la part que nous en extrairons dépendra, au final, de l’intensité de notre besoin, voire de notre détresse. Tant que nous nourrirons, comme en ce moment, des illusions sur la possibilité de nous libérer de notre asservissement à la dette par des moyens conventionnels – le paradigme “ménager”, diminuer la dépense, augmenter les recettes... –, il y a peu de chances pour que nous prenions en considération des solutions nouvelles. Il a fallu une guerre mondiale, et l’unité nationale qui fugitivement en résulta au sein du Conseil national de la Résistance, pour accoucher de la France que nous connaissons, avec ses institutions, son industrie, ses banques, sa sécurité sociale... Peut-être, hélas, faudra-t-il un traumatisme équivalent pour que s’impose à tous la nécessité d’un changement non plus seulement superficiel et incrémental, mais radical et paradigmatique. Et là, vous avez raison de le souligner, il faudra en plus d’une réforme des relations de l’Etat et de l'économie du type de celle que je propose réformer l’Etat lui-même avec toutes ses institutions sociales, bref, qu’un nouveau CNR, animé du même souci du rang et de la liberté d’action de notre pays, défasse ce que le premier avait institué, changeant tout pour que rien ne change – je veux dire rien de l’essentiel. Comme vous, je pense qu’une telle révolution ne pourra se faire qu’à plusieurs, mais il me plaît d’imaginer que, fidèle à son histoire, la France une fois encore ouvre la voie et que, fidèle à notre amitié, l'Allemagne une nouvelle fois nous seconde.
L’optimiste à tout crin que je suis ne peut s’empêcher d’espérer que le pays pourra faire l’économie d’un traumatisme. Peut-être une bonne panique électorale aura-t-elle le même effet – quand, ayant épuisé en vain toutes les recettes éculées du paradigme ménager, le pouvoir, telle une huître, s’ouvrira, le temps d’un scrutin, aux idées neuves. C’est dans cette perspective que je m’inscris, et que votre question “comment passer, sans bouleversements non gérables, d'un système à l'autre?” prend toute son importance. Si je n’évoque que rapidement cette nécessaire transition, ce n’est pas qu’elle m’apparaisse secondaire, mais parce qu’elle dépasse de beaucoup les limites de mon entendement. Tout ce que je puis espérer est qu’ayant amorcé la réflexion, d’autres plus qualifiés et plus expérimentés que moi viennent l’enrichir de leurs amendements. L’idée d’un marché secondaire des DDT, par exemple, ne m’avait même pas effleuré l’esprit, tout obsédé que j’étais de bâtir une forteresse imprenable, exempte des vulnérabilités qui ont précipité notre système financier dans le gouffre. Dans mon esprit, les DDT non mobilisés sont gérés par la Caisse, seule garante de l’intégrité du dispositif. Mais à vous lire, je me dis que j’ai sans doute été trop rapide et que l’idée demanderait à être débattue avec des connaisseurs.
S’il est un principe auquel je m’accrocherai, en revanche, c’est celui de l’adossement du dispositif au seul effectif de salariés. Tous les autres critères d'attribution d'aides – notamment ceux que vous citez : recherche, investissement, localisation... – peuvent se traduire en nombre de salariés. Une entreprise qui fait (réellement) de la recherche embauche des chercheurs. Celle qui investit a, de même, besoin de ressources humaines pour exploiter son investissement. Même une usine totalement automatisée a besoin de techniciens et d’ingénieurs en grand nombre pour maintenir la capacité de production de ses robots. Quant aux entreprises qui, par choix ou nécessité, délocalisent, elles conservent la maîtrise de la répartition de leurs effectifs entre expatriés et autochtones. Un citoyen français, où qu’il soit localisé, ouvre un DDT sur la Caisse à son employeur, de quelque nationalité qu’il soit. J’imagine aussi bien une multinationale chinoise mobilisant les DDT de ses agronomes français postés en Afrique, ou une start-up américaine s’installant à Perros-Guirec pour bénéficier à la fois de l’agrément des lieux (ah, les homards du Printania... ), des talents des jeunes ingénieurs de l’ENST Bretagne, et des DDT qui leur sont attachés.  

A. Chercheur au CNRS.

Ah enfin, quelque chose qui fait plaisir à lire et qui évidemment est possible; je me suis intéressé à vos écrits depuis longtemps, et j'ai lu avec beaucoup d'attention, et de satisfaction, deux de vos romans, dont je me suis fait l'écho dans mon entourage : "le Successeur de pierre" dès sa parution, et "Eternity express" sur les conseils de mon fils.
En tant que chargé de recherche CNRS, je suis convaincu depuis longtemps que le crédit Impôt-Recherche et tous ces systèmes ne sont rien d’autre que du Détournement d’Argent Public, et je le dis autour de moi  depuis le début.

JMT. Pour ce qui est du crédit-impôt recherche, nous sommes en pleine harmonie de pensée : il s’agit bien d’un nième moyen de soûler les grandes entreprises du CAC40 (seules 9% des bénéficiaires sont des PME) avec l’argent du contribuable, sans le moindre bénéfice pour ce dernier. Une grande entreprise qui a besoin d’une incitation financière pour faire de la recherche ne mérite pas de survivre. Cette aide fait partie des 200 milliards que je propose de convertir en dots.

A. Ne serait-il pas possible d’imaginer un processus qui imposerait aux établissements financiers de régler les factures aussitôt émission, sans avoir à attendre le règlement (ou non : déficit, faillite, …) du client (ayant préalablement accepté un devis ou un tarif affiché, ou …). Ainsi, les établissements financiers pourraient assurer un fonds de roulement à leurs clients dans certaines limites évidemment, 50% par exemple, ce qui permettrait en conséquence d’éviter les dérives presque systématiques aujourd’hui pour certains marchés aboutissant à des factures finales du double du devis initial (surtout pour les marchés publics !! les exemples ne manquent pas). Enfin, en cas de difficultés de recouvrement de ces sommes, les établissements financiers disposent de moyens juridiques autrement plus puissants qu’un simple citoyen ou association ou autre groupement …

JMT. Avec le système de dots que je propose, ce problème disparaîtrait : d’une part, du fait de la dot elle même, surtout si elle est consolidée avec celles des proches – conjoints, enfants, parents... : ce sont en effet plusieurs dizaines de milliers d’euros de crédits qui seraient ainsi mis à leur disposition automatiquement pour financer leur besoin en fonds de roulement; et d’autre part, parce que leurs clients, bénéficiant des mêmes facilités, n’éprouveraient plus le besoin de faire traîner le règlement de leurs factures. L’argent dû rentrerait plus rapidement.
Bien sûr, d’autres systèmes seraient possibles, comme celui que vous proposez, déjà partiellement pratiqué par les banques avec la garantie d'Oséo, mais si j’ai estimé nécessaire de proposer la création de la Caisse, c’est précisément parce que la preuve est faite désormais qu'en cas de crise nous ne pouvons pas compter sur les banques commerciales. Contrairement à vous, je ne propose pas de les mettre à contribution, je propose de les court-circuiter puis de les ignorer et de les abandonner à leur sort.

J-L. Directeur général de banque.

Je ne connais pas particulièrement le détail de la Comptabilité Publique, mais j’aurai tendance à penser que les créances sur les particuliers ne doivent pas figurer au budget de l’Etat. Il s’agit ici de prêts qui représentent des créances et non pas des produits et des charges (voir mes écritures comptables). Je pense que ce point devrait être vérifié.”

JMT. Mon tableau ne revêt pas la forme canonique des comptes publics, dans un souci de simplicité pour le lecteur. Bien sûr, il faudra que, pour les discussions avec les experts, tout ceci revête le formalisme auquel ils sont accoutumés. Ceux que j’ai consultés m’assurent qu’il existe divers instruments, principalement les "budgets annexes" et les "fonds de concours" qui permettent de répondre à votre légitime souci. Quant à savoir s’il s’agit de créances sur les particuliers (comme les recettes de l’IRPP) ou de créances sur la “Caisse” qui gère ce dispositif, c’est un point à décider ultérieurement, quand le statut de cette Caisse aura été élucidé. Pour l’instant, je fais comme s’il s’agissant de créances sur les particuliers.

J-L.
Il me semble qu’il faudrait faire évoluer le montant des créations de dots en fonction au moins du taux de l’inflation. La présentation serait plus réaliste. D’autre part cela devrait avoir un impact sur le montant du remboursement des dots par les sortants.
   

JMT. L’inflation ayant le même impact sur les recettes que sur les charges, il m’a paru plus simple de présenter ces tableaux en euros constants.

L. PDG d’une PME (250 salariés) dans l’agroalimentaire.

Page 21 vous écrivez « Le déficit ne se forme pas parce que l'État dépense trop et n'encaisse pas assez, mais parce qu'il inscrit au budget des charges sans contreparties. » Mais « l’Etat dépense trop et n’encaisse pas assez »  et « L’Etat supporte des charges sans contreparties » c’est la même chose !

JMT. Non, justement. L’Etat décaisse du bon argent sonnant et trébuchant produit par nos impôts et notre dette et accepte en contrepartie des paroles (promesses d’investissements, de maintien de l’emploi…). 95% de ces aides publiques aux entreprises sont non-remboursables.

L. Il y a confusion entre la contrepartie que l’Etat demande aux entreprises pour les aides qu’il donne (en terme d’emploi ou de formation, etc.) et la contrepartie au sens comptable (débit crédit). Page 21 on voit bien la confusion : dans cet exemple le banquier qui a analysé le ‘bilan’ de son client et voit qu’il a des actifs (garanties au regard de sa dette) accepte de consentir une ligne de crédit.

JMT. C’est une vision idyllique. La triste réalité est que l’immense majorité des entreprises françaises, notamment les startups, ne répondent pas aux critères des banques en matière de fonds propres et de garanties et de ce fait n’accèdent pas au crédit. 90% des 1000 Mds de crédits bancaires vont à moins de 20% des entreprises.

L. Pages 22-23 vous dites que l’Etat consent 200 Mds de subventions aux entreprises. Il y a un gros hic de mon point de vue : les entreprises françaises ne sont pas plus profitables que les autres – les ‘subventions’ sous forme de Tva réduite, ou aide à l’emploi etc représentent une adaptation de la politique fiscale de l’Etat pour que les entreprises restent compétitives – si on coupait ces subsides, les entreprises mourraient (puisque qu’on démontre plus loin que les masses des subsides = (en gros) les masses de bénéfice).

JMT. On ne saurait mieux décrire ce cercle vicieux. La survie des entreprises françaises dépend d’une intervention massive de l’Etat, qui à son tour dépend d’un taux record de prélèvements obligatoires et, pour le solde, d’un endettement record, qui à son tour entraîne de nouveaux prélèvements, au détriment de la compétitivité. C’est ce cercle que mon projet a l’ambition de rompre.

L. N’est-il pas plus logique de dire que la survie à long terme des entreprises est basée sur la création de valeur de celles-ci – un surcroît de charges (de 200 Mds) ferait s’arrêter la machine ou partir les entreprises à l’étranger (celles qui le peuvent) – c’est déjà le cas pour celles qui ont le choix : un groupe qui peut s’implanter où il veut en Europe va-t-il aller en Irlande ou l’IS est de 12 % ou en France ?  

JMT. D’abord, il faut rappeler que 90% des 200 Mds en question vont vers 10% des entreprises. Autrement dit les impôts et charges prélevés sur les TPE et PME servent à financer les entreprises du CAC 40 et leurs filiales et à rémunérer leurs actionnaires, avec pour résultat le creusement depuis 30 ans de cette vaste échancrure dans la pyramide des entreprises, traduisant un déficit de 15000 PME de 250 à 2000 salariés, celles précisément sur lesquelles repose le succès de notre voisin allemand.

L. Le postulat de départ à mon avis est qu’on ne peut pas démarrer ce projet : comment supprimer 200 Mds de charges dans les entreprises chaque année ? Les bénéfices étant peu ou prou fixés (entre 3 et 10% de résultât net) comment supporter une telle suppression ? Par exemple comment Renault ou Peugeot auraient-ils pu supporter de ne pas bénéficier de l’aide de Sarko à la prime à la casse lors de la crise de 2008 ? L’un des deux serait peut être mort à l’heure qu’il est avec 100 000 types sur le carreau.

JMT. La prime à la casse en question est un bon exemple de l’absurdité des interventions de l’Etat en matière d’économie. La majeure partie a servi à financer l’achat de voitures étrangères, donc à maintenir l’emploi en Allemagne, au Japon, en Hongrie ou en Pologne.  Et elle n’a fait que reporter de deux ans la sanction inéluctable des erreurs de stratégie des dirigeants de Renault et Peugeot, avec les pertes d’emplois qui en résultent.
La réforme que je propose n’a pas pour but de maintenir en survie artificielle ces canards boiteux, mais de fluidifier l’allocation des ressources financières en les attachant non pas aux entreprises, mais à leurs employés.  Les « 100 000 types » en question se retrouveraient sur le marché porteurs en gros de 5,6 Md€ de lignes de crédits low cost disponibles pour les entreprises en meilleure santé qui les embaucheraient, ou pour celles qu’ils créeraient
.

L. Page 37, 1er § : on peut ne pas faire confiance aux « hauts fonctionnaires » qui gèrent l’argent de l’Etat mais la description limite haineuse du process est simplement la description du processus de fonctionnement d’un état de droit qui lève l’impôt et décide où il affecte ses dépenses.

JMT. C’est la description du processus de fonctionnement d’un état soviétique, avec, nous ne le constatons que trop en ce moment, les mêmes conséquences, notamment le maintien en réanimation artificielle de géants industriels obsolètes ou en voie d’obsolescence. Et il n’y a de ma part, croyez-le bien, aucune haine, juste un peu d’ironie, dirigée non pas contre les fonctionnaires en question – qui font ce qu’ils peuvent – mais contre le système dans lequel, comme nous tous, ils sont bien forcés d’opérer.

L. Ne serait il pas plus simple de réformer l’Etat ?

JMT. Si ! Et la plus urgente de ces réformes est de lui retirer le droit d’allouer à ses clients les richesses des entreprises et des contribuables.

L. Problème de fond pour moi : La « dot » ou subvention est donc attribuée en fonction du nombre de salariés et de leur âge – c’est peut être bon pour l’emploi mais c’est un non sens économique : ce seraient les entreprises avec beaucoup de salariés (assurances, mutuelles, voiture, distribution etc) qui toucheraient les DDT  - ce n’est certainement pas elles qui ont en besoin.

JMT. C’est au contraire du bon sens économique : Ce qui est bon pour l’emploi est bon pour la consommation et donc bon pour la production et donc bon pour les profits et donc bon pour l’investissement. Le FMI en prend enfin conscience, qui recommande aujourd’hui aux états européens de mettre la pédale douce sur les politiques d’austérité qu’hier encore il promouvait avec un féroce enthousiasme.

L. La redistribution de richesses ou de subventions se fait en fonction des secteurs, des stratégies de l’innovation et surtout de l’espoir de création de richesse dans le pays – surtout pas en fonction du nombre de salariés.

JMT. C’est le fond de notre désaccord. Qui est en meilleure position pour décider de ce qui est bon pour le pays ? Les Colberts au petit pied à peine sortis de l’ENA qui, en toute immunité, appliquent sans aucun recul le crédo que d'autres énarques leur ont enseigné, tout en lorgnant sur les futures prébendes que l’Etat leur réserve à la tête des grandes entreprises, ou les véritables acteurs économiques – consommateurs, entrepreneurs, chefs d’entreprises, salariés ? Où nous a conduits leur dogme de la « nouvelle économie » selon lequel la France prospérerait de l’activité de 38 millions de traders, consultants en marketing et webmasters ? Quelle chance a aujourd’hui un entrepreneur d’obtenir une part des 200 Mds d’aides s’il annonce à Colbert qu’il veut créer une sandwicherie ? Très probablement celui-ci lui dirait, en le raccompagnant vers la porte : « La redistribution de richesses ou de subventions se fait en fonction des secteurs, des stratégies de l’innovation et surtout de l’espoir de création de richesse dans le pays. Au plaisir, M. McDonald’s. » Le paradigme colbertiste qui sévit dans notre pays depuis la Libération – et qui se justifiait quand il s’agissait de relever le pays – est aujourd’hui la cause de son déclin. En se prolongeant alors que les conditions extraordinaires qui avaient justifié son hégémonie ont depuis longtemps disparu, il a modifié l’écosystème de nos entreprises, au point qu’autour de quelques « champions nationaux » pour la plupart en voie de disparition, n’existe plus qu’un vaste désert où, ça et là, des oasis de startups, TPE et PME tentent de s’acclimater.

L. Page 42. Le 2e § semble décrire le système des emplois jeunes : quelle est la différence pour l’entreprise entre avoir un droit à la dette de 20k en embauchant un jeune ou d’embaucher 2 jeunes au smic (20 k€/an donc 10k€o de Charges) avec 20k€ de ‘remise sur charges’, c’est la même chose du point de vue de l’employeur.

JMT. Du point de vue de l’employeur peut-être, et c'est tant mieux : il n'est pas question de lui retirer les concours publics… Mais du point de vue de l’Etat, la différence, c’est l’accumulation de la dette d’un côté, sa disparition de l’autre. Et par ricochet, après que la dette sera éteinte, l'abolition de 200 milliards annuels de prélèvements obligatoires sur les entreprises et les particuliers qui entretenaient ce cercle vicieux. Soit, par exemple, la suppression de l’IRPP, de l’IS et de la TVA cumulés.
D’autre part, ce ne sont pas seulement les jeunes qui seraient concernés, mais la totalité des 38 millions de citoyens en âge de travailler.

L. Deuxième problème de fond : Le blocage des entreprises sur l’emploi ne vient pas de la possibilité d’avoir ou pas une dette pas chère de 20k€ qu’elle peut contracter en embauchant – le problème de la « prise de risque » à embaucher est créé par le coût du travail comparé au niveau international, la rigidité du marché du travail et les difficultés liées à licencier ensuite – 20k€ de dettes ne changeront rien à l’affaire si les licenciements sont difficiles : le marché restera rigide et l’emploi ne se développera pas.

JMT. Je prétends qu’au contraire, en rendant les individus porteurs de DDT mobilisables par leurs employeurs, on accroîtrait considérablement la fluidité du marché du travail. C'est, notez bien, tout l'enjeu du débat en cours sur les droits attachés à la personne du salarié (formation, chômage...)

L. En conclusion : L’idée revient à dire : augmentons les charges des entreprises de 200 Mds et donnons cette somme chaque année aux français comme dots – il y aura donc du financement disponible et les individus seront plus « intelligents » dans leur démarche d’allocation de la dette que l’Etat - c’est bien ça ?    

JMT. Pas tout à fait. On n'augmente rien. Ces 200 Mds sont d’ores et déjà supportés en grande partie par les entreprises. Ils sont prélevés sur 90% d’entre elles et profitent aux 10% restantes. D'accord pour le reste de votre reformulation.
Pour raisonner de manière moins désincarnée, je vous invite à faire le calcul coût/bénéfices de cette réforme pour votre propre entreprise à l’aide de ce modèle en ligne

L. Supprimer 200 Mds d’impôts non perçus ou de subventions revient à augmenter les charges des entreprises françaises d’autant et donc d’en mettre certaines en difficulté.

JMT. Même remarque : seules les 10% qui encaissent actuellement 90% de ces 200 Mds seraient éventuellement affectées. Mais comme ces 200 Mds correspondent au sou le sou à leurs bénéfices, certaines de ces 10% privilégiées cesseraient d’en distribuer à leurs actionnaires jusqu’à ce qu’elles se mettent à produire de véritables bénéfices, et pas simplement à redistribuer à leurs actionnaires les subsides publics. Quant à leurs investissements, ils pourraient être financés par les DDT auxquels leurs effectifs leur donnent droit.

L. Ces sommes ne seraient plus « dirigées » par l’Etat et il n’y aurait donc plus de politique industrielle : par exemple le crédit impôt recherche serait supprimé et on donnerait des tas de subventions / ou droit à la dette  à Carrefour ; Leclerc et Groupama – super idée pour l’innovation.

JMT. Certes, mais aussi aux startups, TPE et PME indépendantes qui représentent les deux tiers de l’emploi en France. Quant à l’innovation, je n’aurai qu’un mot : McDonald’s ! Ou si vous préférez Coca Cola (au départ un modeste limonadier) ou Apple, ou Google, ou Facebook…

L. La contrepartie pour les entreprises serait d’avoir la possibilité de contracter de la dette (un morceau de dette par salarié). Le système rendrait encore plus rigide le marché de l’emploi car en plus des difficultés de licenciement il y aurait la dette à rembourser à l’état.

JMT. Ce serait l'inverse : le marché du travail en serait fluidifié. Voir plus haut.

L. Toute la partie BFR est un contre sens à mon avis – il y a confusion dans l’autre sens sur la trésorerie et les charges – diminuer le BFR c’est en gros mieux gérer la trésorerie (moins de stocks, être payés plus vite etc etc – c’est le sens de la loi française qui limite a 45 jours les délais de paiement) – en cas de coup dur (crise) le BFR augmente à cause des stocks – un chef d’entreprise qui contracte de la dette pour faire face n’est pas très prudent  : comment peut-il être certain que ça repartira et quand/comment ? C'est pour cette raison que les étapes de récession créent du double ralentissement (moins de cash, moins d’investissements, etc)  un recours à la dette se fera de toute façon pour continuer les projets ‘stratégiques’ mais certainement pas pour garder des stocks.

JMT. Votre raisonnement ne vaut – partiellement – que pour les entreprises à stock et non pour les entreprises de services qui constituent l’essentiel de notre écosystème.
Ensuite, une étude récente a montré que les délais de paiement actuels – qui seraient quasi nuls dans le cas de la réforme proposée – représentent pour les entreprises une charge de 13 Mds par an.

L. Bref soit je n’ai rien compris (possible j’ai lu vite donc je m’excuse d’avance si c’était le cas) soit je conseille quand même de faire relire par exemple par un prof d’HEC ou un économiste – il me semble voir des contre-sens de gestion ou économiques qui si je ne me suis pas trompé sont quand même gênants… mais bon je conçois aussi faire partie d’une certaine pensée unique donc ouvrons le débat !

JMT. Le projet a été longuement discuté au cours de nombreuses réunions et échanges de correspondances avec, entre autres, deux anciens ministres dont un ancien ministre du Budget, coauteur de la Loi organique relative aux lois de finances – notre "constitution" budgétaire ; trois conseillers référendaires à la Cour des comptes, dont le rapporteur général du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les aides publiques aux entreprises; le corporate vice-president d’Ernst & Young dirigeant la division internationale en charge des audits de comptabilités publiques; un administrateur membre du comité d’audit de la Société générale; un ancien directeur général des impôts; et le conseiller économique de deux anciens Premiers ministres.
Le texte initial a été profondément remanié pour tenir compte de leurs commentaires.
Dans la phase d’élaboration actuelle, mon objectif est de le soumettre à la critique de chefs d’entreprises de toutes tailles, et j’apprécie donc grandement votre contribution.
Pour ce qui est des économistes d’HEC – ou de toute autre institution – comprenez que je m’en méfie : ils ont contribué à théoriser, diffuser et imposer les dogmes qui nous ont conduits dans l’impasse où nous sommes. Friedrich von Hayek – qui en sa qualité d’inspirateur de la formidable machine de propagande néolibérale savait de quoi il parlait – observait à ce sujet que les « disciplines traitant directement de l’activité humaine, comme l’histoire, le droit, l’économie […] n’ont d’autre objet que de justifier et d’imposer les conceptions officielles. Elles sont même devenues comme des usines productrices de mythes officiels dont se servent les gouvernants pour diriger l’esprit et la volonté de leurs sujets. »
Comprenez que je préfère de loin débattre, comme nous le faisons ici même, avec les acteurs réels de l’économie, en particulier les chefs de ces entreprises de 250 à 2000 salariés que ma réforme est, notamment, destinée à promouvoir
.

J-P. Mathématicien, spécialiste des marchés de crédits-carbone, écrivain.

J'ai discuté avec plusieurs amis de tes idées. Deux questions ont émergé :
1) Si d'autres pays que la France proposaient des DDT, il pourrait y avoir une compétition entre entreprises pour aller s'implanter dans les pays où les DDT sont les meilleures, où la combinaison DDT/coût du travail sont les meilleurs. Est-ce qu'une telle compétition est envisagée ou souhaitable dans ton modèle ?

JMT. J'ai bien envisagé une extension de mon dispositif à d'autres pays mais plutôt sous l'angle de la coopération que sous celui de la concurrence : elle devrait entraîner ce que j'ai appelé, à la fin du chapitre VII,  la "tectonique" qui séparera définitivement les plaques virtuelles et réelles de la finance, celle reposant sur les DDT s'affranchissant de celle reposant sur la spéculation et les produits dérivés. Je pense que les avantages de la coopération entre ces pays appliquant les DDT outrepasseraient largement les risques de leur concurrence, d'autant que, reposant sur les taux directeurs du marché interbancaire, par définition communs à tous les acteurs, celle-ci ne pourrait s'exercer qu'à la marge. Et j'espère bien qu'en attendant cette utopique universalisation de mon dispositif, celui-ci confèrera à la France l'avantage compétitif dévolu aux premiers entrants, notamment pour attirer les investissements et les porteurs d'innovations étrangers.

J-P.  2) Comment éviter que les DDT (une dotation en trésorerie pour le BFR) se transforment presque en dotation en capital et soient utilisés systématiquement (comme une autorisation de découvert sur laquelle on paierait des intérêts) ? En effet, des entrepreneurs irresponsables ou véreux pourraient s'engouffrer dans cette brêche et utiliser à mauvais escient les DDT. Quels contrôles imposer et comment s'assurer qu'ils sont effectifs ?

JMT. Ce risque de perversion du système m'avait déjà été signalé par mes interlocuteurs à la Cour des comptes et j'ai depuis précisé d'une part – pages 39-41 – la façon dont les DDT sont alloués et leur usage contrôlé, et d'autre part – à l'annexe J – les mesures de détection et répression des fraudes envisagées. Mais la responsabilité ultime du contrôle échoit aux titulaires des dots.

T. Ingénieur général des Mines, professeur à Mines ParisTech.

L'idée est stimulante, le rythme de substitution entre les aides actuelles et la nouvelle formule probablement très optimiste (mais c'est la deuxième décimale).
On peut en revanche se demander si l'allocation qui en résulterait serait satisfaisante.
Si le salarié est obligé de donner sa ligne de crédit à son employeur, l'employer devient attractif, et les demandeurs d'emplois redeviennent des offreurs de compétences doublés grâce à votre idée d'apporteurs de capitaux. Les meilleurs ont donc le choix de leur entreprise (de fait celles qui ont les plus belles perspectives pourront se permettre d'offrir des salaires moins élevés grâce au potentiel de plus value).
Les employés les moins attractifs ne seront-ils pas tentés d'accepter les offres de gens plus intéressés par leurs dots que par leurs compétences, se condamnant à des moins-values et se retrouvant sans dot. Si vous faites un système d'assurance, la mauvaise monnaie chasse la bonne (les gens vont là où l'on en veut à leur dot en leur proposant une compensation immédiate, perdent tout, rejouent indéfiniment mais en plombant l'assureur).
Si l'employé est libre de l'affectation de sa dot, les entreprises les moins scrupuleuses n'embaucheront que ceux qui s'engageront à leur affecter leur dot. Bref, la sagesse des foules est moins bien garantie si chaque individu peut être acheté.
Sinon, j'ai apprécié la forme du livre et l'idée reste intéressante.

JMT. Notons d’abord que si l’allocation de ressources résultant de mon dispositif n’est pas parfaite, elle ne peut être pire que celle découlant du système actuel d’aides publiques sans contreparties à une minorité d’entreprises privilégiées, qui coûte à la Nation 200 milliards par an, pour le résultat qu’on sait : chômage record, plombage de l’innovation et de la compétitivité de nos entreprises, recul de nos parts de marché, déficit budgétaire et au final une dette publique de 1860 milliards.
Ceci dit, vous avez raison de souligner les risques de « chantage à la dot » qui pèseraient sur les salariés s’ils étaient libres d’en négocier l’attribution et par conséquent « achetables » par leurs employeurs. C’est précisément pour écarter cette « faille de vulnérabilité » que j’ai proposé que la mise à disposition des DDT à l’employeur soit automatique. Seuls en sont négociables les taux, dans les limites hautes et basses fixées par le marché. Ils sont arrêtés de gré à gré au moment de l’embauche puis révisés périodiquement selon des modalités intégrées au contrat de travail. Au-delà d’un certain seuil d’effectifs, cette négociation est collective.
Je suis bien conscient qu’il faudra creuser davantage les risques de l’interaction des « entreprises les moins scrupuleuses » avec les « employés les moins attractifs » et les moyens de les limiter. Ce sera l’affaire des travaux préparatoires à cette réforme et des débats parlementaires auxquels elle donnera éventuellement lieu.
Mais de façon philosophique, je ne pense pas qu’il soit bon d’écarter a priori tout risque pour le salarié, car ce serait en écarter toute responsabilité. Or, seule l’implication personnelle – sur ses propres deniers – de chaque citoyen est susceptible de garantir, en dernier ressort, l’intégrité du dispositif.

M. Bibliothécaire, grande école d’ingénieurs, Paris.

J'ai votre petit livre avec beaucoup d'intérêt et de plaisir et j'en ai été très impressionnée.
Je me suis vu opposer un argument par un enseignant que j'essayais de convaincre de lire le livre, qui me laisse sans voix et à propos duquel, j'aimerais avoir votre avis. Il me dit que votre dispositif "shunterait" les banques (c'est effectivement ce que j'ai crû comprendre et même lire dans son essai) et que cela ne serait pas bon car cela ferait perdre de l'argent à l'État.
Il me dit que la création de "la Caisse" ad hoc que vous préconisez ferait concurrence à la Caisse des dépôts et consignations et agirait en parallèle.
Par ailleurs, il dit que l'État est actionnaire dans des banques commerciales comme le Crédit Lyonnais, la Société Générale, etc. et donc, avec ce système les court-circuitant, l'État se tirerait en quelque sorte une balle dans le pied car il gagne de l'argent avec elles.
Il m'a dit aussi que quand, par exemple, on achète un sandwich chez "QUICK", l'État gagne de l'argent dessus.
Donc, selon lui, au final, l'État y perdrait.

JMT. 1. Mon dispositif shunterait bien les banques, mais celles-ci ne financent plus depuis belle lurette les start-up, TPI et PME indépendantes : 80% des 1000 milliards d'encours de crédits bancaires aux entreprises vont aux entreprises du CAC40 et à leurs filiales. Les DDT  financeront donc les besoins de trésorerie d'une clientèle dont les banques se sont d'ores et déjà détournées. Cette situation va encore s’aggraver avec l’entrée en vigueur des critères de capitaux propres de Bâle III, qui rendront les crédits aux PME trop coûteux en réserves pour les banques. Celles-ci vont donc tout naturellement se tourner vers le segment du marché qui leur coûtera le moins cher en capitaux immobilisés : celui des grandes entreprises. 
2. Sous certaines conditions, la Caisse des dépôts et consignations serait un bon candidat pour assurer les fonctions que dans Reprendre j’assigne à la “Caisse”. Il n’y a aucune concurrence. 
3. Les dividendes tirés par l’État de sa participation au capital de certaines banques ne sont rien en regard du coût du service de la dette - 58 milliards par an - ni du coût de la garantie de l’État à ces mêmes banques et de leur sauvetage en période de crise. En annulant la dette, mon dispositif représenterait au contraire un allègement considérable des charges de l’État. Votre interlocuteur voit le problème par le petit bout de la lorgnette (celui des banques, non celui de l’État - ce qui au passage en dit long sur ses solidarités naturelles).

A. Professeur d’économie, université Paris I Panthéon Sorbonne

J'ai lu votre livre avec grand intérêt. Votre proposition est astucieuse. Néanmoins je n'en comprends pas totalement le bouclage. En page 38, vous indiquez comme ressource de l'État les "créances sur les citoyens". Une créance n'est-elle pas un emploi plutôt qu'une ressource ? En bref, on ne voit pas comment l'État se finance dans votre schéma. Seul le système bancaire peut prêter à partir d'un petit noyau de capital (et encore, on a vu les dérives). L'État, lui, devra soit accumuler un fonds à l'aide d'un prélèvement obligatoire, soit s'endetter. Dans les deux cas il y aura un risque sur son bilan.
Votre schéma vise à lier à l'emploi des prêts publics aux entreprises à bas coût, à la place des aides publiques aux entreprises. La proposition est intéressante, mais on peut objecter :
- que la plus grande partie des aides aux entreprises sont des baisses de charges sur les bas salaires, une des rares politiques de l'emploi dont l'efficacité a été démontrée ; ces baisses de charges disparaissent dans votre schéma. Un autre volet important est le crédit impôt recherche.
- que si les salariés sont créanciers "senior", alors les banques prêteront aux entreprises à des taux plus élevés ou bien pas du tout ; le problème de financement des entreprises n'est donc pas résolu.
- que votre schéma n'épouse pas la diversité des combinaisons capital/travail selon les secteurs. Certains secteurs, comme l'énergie, sont très capitalistiques ; faut-il pour autant les défavoriser ?
- qu'il est peu adéquat de concentrer ainsi les risques au niveau des salariés : dans votre schéma, un salarié perdant son emploi parce que son entreprise fait faillite subit en même temps une perte en capital.
- que l'État ne peut déléguer ainsi la gestion de ses investissements. Dans votre schéma, l'État prend un risque considérable sans aucun regard sur les prêts accordés par les salariés. En particulier, il y a un risque que les salariés investissent dans l'économie d'hier plutôt que de demain (qu'ils soutiennent à bout de bras des entreprises condamnées). L'État n'est pas forcément bon investisseur, mais qu'est-ce qui prouve que les salariés seront meilleurs ?
Merci encore pour votre ouvrage qui ouvre des pistes de réflexion fort intéressantes.

JMT. 1. “On ne voit pas comment l'État se finance dans votre schéma”
L’État n’a pas besoin de financement nouveau. Il réaffecte simplement à la création des dots les 200 milliards de prélèvements obligatoires et d’endettement qui financent aujourd’hui les aides directes et indirectes aux entreprises. En remplaçant ces subventions et exemptions à fonds perdus aux entreprises par le même montant de dots remboursables aux citoyens, il annule l’impact négatif des premières sur le budget.  En vertu de l’article 30 de la LOLF, l’État peut en effet, face à chaque euro de dot, inscrire dans ses livres une créance sur le bénéficiaire. Créance à recouvrement différé certes, mais la LOLF prescrit qu’elle soit prise en compte au titre de l’exercice auquel elle se rattache, indépendamment de sa date d’encaissement. Chaque euro dirigé vers les entreprises, via les dots de leurs salariés, devient de ce seul fait budgétairement neutre. Et comme l’État, dans ma proposition, s’interdit toute autre forme de concours aux entreprises – y compris les baisses de charges sur les bas salaires ou le crédit impôt recherche - c’est la totalité de sa politique industrielle qui d’un coup devient indolore. Ne pas perdre de vue l’objectif principal de ce dispositif : l’annulation en 15 ans de la dette publique et du poids qu’elle fait peser sur l’économie.

2.
“Si les salariés sont créanciers "senior", alors les banques prêteront aux entreprises à des taux plus élevés ou bien pas du tout ; le problème de financement des entreprises n'est donc pas résolu.”
Peut-être en effet faudrait-il que, “banquier” - à hauteur de sa dot - de l’entreprise qui l’emploie, le salarié soit traité au même rang que tout autre banquier. C’est un des nombreux sujets qu’il faudrait débattre avec les experts et les parties prenantes. Plus généralement, je pense que mon  système de droits de tirage adossés aux dots des salariés – en mettant à disposition des entreprises, à terme, 2000 milliards d’euros de lignes de crédit –, apporterait une solution au problème du financement de leur besoin en fonds de roulement. Sans parler des situations de famine monétaire, où les banques se retranchent totalement de ce segment du marché, celles-ci sont de plus en plus réticentes d’ores et déjà à financer les startup, TPI et PME indépendantes : près de 80% des mille milliards d'encours de crédits bancaires aux entreprises vont aux grandes entreprises et à leurs filiales. Cette situation va encore s’aggraver avec l’entrée en vigueur des  critères de Bâle III, qui rendront les crédits aux PME trop coûteux en capital pour les banques. Les DDT financeront donc les besoins de trésorerie d'une clientèle dont les banques se sont déjà largement détournées.

3.
“Certains secteurs, comme l'énergie, sont très capitalistiques ; faut-il pour autant les défavoriser ?”
Certes non. Mais au nom de quelle cohérence défavoriserait-on les entreprises de main d’œuvre – comme le tourisme, première industrie française – alors même que le taux de chômage des jeunes atteint 25% dans certaines zones ? Ne pas perdre de vue le second bénéfice attendu de ce dispositif : le retour au plein emploi. Notons tout de même qu’avec ses 160 000 salariés, EDF, par exemple, se verrait ouvrir une ligne de crédit de 9 milliards d’euros, hors consolidation familiale - soit 26,7% de son endettement total de 33,73 milliards au 30 juin 2013.

4.
“Un salarié perdant son emploi parce que son entreprise fait faillite subit en même temps une perte en capital”.
Oui, et c’est très bien ainsi : c’est à cette condition que le salarié sera incité à exercer pleinement sa responsabilité d’agent bénévole du Trésor, chargé de gérer sa part de l’argent que l’État consacre au soutien des entreprises. Gageons cependant que le marché proposera aux salariés des formules d’assurance de ce risque.

5.
“L'État n'est pas forcément bon investisseur, mais qu'est-ce qui prouve que les salariés seront meilleurs ?”
Ici l’on touche au nœud philosophique du débat. Mon opinion est que, si l’intervention de l’État dans l’économie se justifiait pleinement au lendemain de la Seconde guerre mondiale, quand le pays était en ruines et qu’il fallait non seulement le relever, mais poser les fondations de la France de demain, elle ne se justifie plus dans le contexte actuel, où ce qui manque est moins l’initiative publique que la créativité individuelle. J’ajoute que le niveau d’éducation, d’information et de communication des agents économiques d’aujourd’hui ne requiert plus, comme jadis, qu’ils soient placés comme mineurs ou incapables sous tutelle de l’État. Enfin, je ne crois pas que l’État sache, mieux que les entrepreneurs eux-mêmes, ce que sera “l’économie de demain”. Un géant comme LVMH a construit sa prospérité sur des métiers vieux comme la Gaule. Et McDonald’s n’est jamais qu’un vendeur de sandwiches qui a réussi. A l’opposé, où en sont aujourd’hui des “champions nationaux”, gorgés depuis des décennies de fonds publics, comme Alcatel ou Alstom ? Notre “politique industrielle” a eu pour effet de créer un territoire où des îlots de prospérité – inondés d’aides publiques et, pour certains, malgré tout dépérissant – émergent çà et là d’un océan de décrépitude.

B. Consultant international, angel investor.

Je te contacte après avoir lu ton essai "ni sang ni dette", j'ai trouvé l'idée originale et possiblement applicable :)
Évidemment certaines parties comme "que faire en cas de non remboursement de dette ou de banqueroute" restent a éclaircir, mais si les prémisses plaisent, ca se trouvera.
J'ai aussi lu un peu ca :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_France et cette partie m'a fait peur :

"La charge des intérêts se montait en 2007 à plus de 50 milliards d'euros (augmentation de 12 % par rapport à 2006). Il s'agit de l'équivalent du déficit public. Les intérêts sont en train de devenir le premier poste budgétaire de l'État français. En 2012, les intérêts de la dette s'élèveront à 48, 8 milliards d'euros.
Le remboursement du capital de la dette, qui fait partie du service de la dette, représente pour l’État environ 80 milliards d'euros, c'est-à-dire la somme de toutes les autres recettes fiscales directes (impôt sur les sociétés, ISF, etc.). Au total, le service de la dette de l'État représente 118 milliards d'euros, ce qui correspond à la totalité de ses ressources fiscales directes, ou encore, presque à la TVA (environ 130 milliards)."

En gros tout l'impôt sur le revenu c'est pour payer les intérêts de la dette ! Également:

"Au deuxième trimestre 2011, 66 % de la dette négociable de l'État français était détenue par des non-résidents... D'après le journal Le Monde du 23 juin 2011, les trois plus gros pays étrangers détenteurs de dette française seraient : les îles Caïmans, le Luxembourg et le Royaume-Uni. La BRI indique plutôt pour les trois plus gros pays détenteurs: le Royaume Uni, le Japon, les États-Unis"

En gros probablement l'oligarchie apatride... NYC, Londres: les iles Caïmans et le Luxembourg, c'est signé.

J'en discutais avec un bon copain aussi porté sur les sujets économiques, je lui expliquais le principe de la "dot", des aides publiques à $200 milliards par an sans contrepartie... je ne suis pas bien sûr de tout maitriser mais il a fait une remarque intéressante - ça ne remet pas en question le principe même de la dette : L'origine de la dette est la perte de souveraineté au profit des investisseurs et banques privées. En gros l'État ne peut plus battre monnaie, c'est-à-dire se prêter à lui-même et ca, c'est un problème fondamental.
L'avantage de ton système est d'en finir avec la dette, et ensuite dire "ne revenez pas" mais le système reste risqué en cas de guerre ou de besoin important (cataclysme...).
En gros, les banques seront contentes parce que c'est mieux qu'un défaut de paiement.
C'est aussi peut-être compatible avec la perte du pouvoir sur la monnaie aux banques, ce qui rendrait la transition possible avant un changement côté monnaie.


JMT. Je suis heureux que tu aies apprécié mon dernier opus et que tu t’en sois fait l’interprète auprès de ton ami.

1. Ta question "que faire en cas de non remboursement de dette ou de banqueroute" est évidemment importante. Mais pas autant qu’on pourrait le penser : les deux cents milliards par an d’aides aux entreprises sont de toutes façons perdus, puisque sans contreparties. Pour arriver avec un bilan aussi catastrophique avec mon dispositif, il faudrait que 100% des entreprises françaises fassent faillite au même moment. J’ai abordé cette question au début de l’Annexe J sur les risques (voir les détails p. 117). Ensuite, en cas de dépôt de bilan de l’entreprise,  les salariés apporteurs de DDT se retrouveraient au premier rang des créanciers privilégiés. Ils pourraient alors – comme tout banquier dans le même cas - choisir de convertir leurs crédits en actions, et participer ainsi au redressement de l’entreprise.

2. Ta remarque sur le poids du service de la dette montre bien qu’aucune des mesures “ménagères” réduire les dépenses, augmenter les recettes – actuellement mises en application ou envisagées, n’est en mesure non seulement d’abolir le principal de la dette, mais simplement d’en payer les intérêts. La seule solution serait dans la croissance retrouvée, mais ces mêmes mesures de ménagère ont pour résultat, en réduisant fortement la consommation comme l’investissement, de l’empêcher.

3. La remarque de ton ami sur l’origine de la dette rejoint ma conclusion du chapitre 8 : c’est bien la confiscation par quelques-uns du droit à conserver et faire fructifier ses surplus qui est la cause originelle du problème. C’est pourquoi, ce droit, je préconise de le “Reprendre”. Il ne s’agit pas simplement de reprendre le droit de battre monnaie. Battre monnaie dans un contexte de "credit crunch" est un pis-aller, qui se traduit immanquablement par une envolée de l’inflation – d’ “euthanasie des rentiers”. Dans mon système, personne n’est sacrifié. Même pas les banquiers, qui se voient certes dépossédés du marché du financement de la trésorerie des entreprises, mais qu’au demeurant, avec les nouveaux ratios de Bâle III, ils ont d’ores et déjà décidé d’abandonner, car il leur coûtera trop cher en fonds propres. En contrepartie, on peut penser qu’elles se concentreront sur leur cœur de métier – le financement des investissements – avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elles sauront que, grâce aux DDT, les entreprises auxquelles elles prêtent ne présenteront plus de risque de trésorerie.

François M., architecte-urbaniste, Quimper, 11 mars 2015.

J’ai assisté avec intérêt à votre conférence à la Liberté de l’esprit à Quimper et visionné plusieurs fois la vidéo en ligne sur le site, m’attardant un peu sur les chiffres (je ne suis pas habituésà raisonner en milliards !)
Ma question porte sur le financement des 198 Mds de déficit: le déficit final étant de l’ordre de 80 Mds/an, le reste est financé dites-vous, par divers excédents.
Pouvez-vous préciser de quel type de recettes il s’agit

JMT Vous trouverez la réponse à l’annexe A de “Reprendre - Ni sang ni dette”, en bas du tableau, au $ IV – Financement ( ce sont les chiffres de 2010, les seuls disponibles à l’époque de la rédaction). Vous y verrez que les aides de 201,20 Md€ étaient cette année là financées par 148,8 Md€ de dette et 52 Md€ de prélèvements obligatoires supplémentaires (personnes physiques et entreprises dont, on l’a vu, une immense majorité – 91% – ne bénéficient pas de ces aides que pourtant elles financent).
Autrement dit, pour financer – avec le résultat qu’on constate : PSA, Areva, Alstom... – 9% des entreprises françaises et leurs actionnaires, on éreinte, par un surcroît d’imposition, la totalité des contribuables présents – particuliers comme entreprises – et, par la dette, plusieurs générations de contribuables à venir.
Vous trouverez les détails aux pages 26 à 29 de l’ouvrage.

François M. Merci beaucoup pour ces précisions. Votre analyse est d'une extrême clarté et rend limpide ce que l'information tronquée du journalisme ordinaire s'applique à rendre confus.
Le fait de rendre intelligible l'échelle "macro" (celle des milliards) au regard de l'échelle domestique (celle de nos budgets familiaux) permet tout à coup de comprendre les ordres de grandeur, de comprendre l'ordre des choses, de comprendre les intérêts en présence, ce que chaque citoyen et électeur devrait être en mesure de pouvoir faire.
Je me rends compte, en approfondissant la compréhension de votre analyse et de vos propositions, qu'elles s'apparentent d'une certaine manière à celles que je tente de développer dans le cadre de mon métier.
En effet, architecte libéral devenu architecte-urbaniste de l'Etat, je me heurte la plupart du temps à des interlocuteurs, élus, fonctionnaires et même professionnels qui sont dans l'incapacité de s'affranchir des petites échelles, en matière de temps et d'espace, et sont bien incapables d'avoir une "vision" qui soit autre qu'un regard de gestionnaire, et qui donc ne dégage que morosité, pessimisme et austérité.

Michel F., avocat d’affaires, commissaire aux comptes, Nantes, 4 avril 2015.

Bravo et merci pour cet essai lumineux, génial, créateur, fondé sur une analyse excellente des faits.
J'aurais aimé écrire ce livre, et j'aurais pu (en toute modestie) en écrire une partie, mais l'idée de la dot est tout simplement géniale et bien que tournant un peu autour ( avec des idées prôches du revenu universel de base par exemple), je n'y aurais pas pensé.
Je crois vraiment qu'il s'agit d'une révolution copernicienne de l'économie. Et connaissant un peu les chiffres de la macro économie et ancien conseil de PME ( comme avocat d'affaires et commissaire aux comptes), je valide sans hésitation les calculs et hypothéses que vous avancez.
Je pourrais faire des pages de commentaires sur les conséquences bénéfiques du systéme, mais ce serait vous plagier, car vous avez dit l'essentiel de ce que je pense. Je me répéte, c'est génial et répond à de nombreuses problématiques.
Pour l'exemple, mon prof de musique avait un projet de créer un site internet qui proposerait des supports de karaoke. Pour cela il fallait avoir recours à des musiciens et techniciens et informaticiens. Au total cela représentait 2,5 emplois à temps plein ( en fait une dizaine à temps partiel). Pour démarrer le projet, il n'y avait que 5.000 euros d'apports et il fallait trouver 15.000 auprés du systéme bancaire. Il ne les a pas trouvé. Avec le systéme de dot il n'aurait eu aucun probléme.
Dans des temps plus anciens où j'étais en activité j'ai souvent vu des entreprises de 10 ou 50 personnes déposer le bilan parcequ'il leur manquait 10.000 euros pour une échéance et une insufisance de BFR de 50.000, aucun probléme avec la dot.
Votre ouvrage a le grand mérite, en plus du fond qui, je me répéte, est génial, d'étre plein d'humour et de richesse de références.
Si je peux être utile à la diffusion de ce bouquin, je projette déjà de l'offrir à des copains et relations, je suis disponible. Je vais déjà en parler sur Alphavert, la liste généraliste d'EELV et sur le forum d'Alternatives économiques où je crois avoir été informé de l'existence du livre. Merci, merci, merci, et grand retentissement à vos idées

Pierre V., chef d'entreprise, Paris, 28 avril 2015.

J'ai beaucoup ri à la lecture de votre livre. Bien qu'ancien créateur et chef d'entreprise, je défends depuis longtemps l'idée de remplacer toutes les aides de l'Etat aux entreprises par un système d'avances remboursables. Votre proposition de passer par les citoyens pour les diffuser aux entreprises me semble une formidable idée qui génère un cercle vertueux.

J.B. Consultant, ancien chargé de mission au Commissariat au Plan, promoteur historique du Revenu de base universel, 1er novembre 2015.

Si j'ai bien compris votre proposition tout individu est porteur d'un crédit croissant avec son âge, crédit venant au profit de l'entreprise qui l'emploie et affecté en priorité au financement du court terme, plus particulièrement au besoin de fonds de roulement, accessoirement au financement du moyen terme à horizon 3 ans et exceptionnellement du long terme à horizon 7 ans.

Votre proposition est effectivement novatrice et originale, d'autant que de nombreuses entreprises et plus particulièrement les très petites, petites et moyennes souffrent fréquemment d'un manque de capitaux, manque très souvent nuisible à leur création et leur développement.

Ceci dit, je m'interroge sur la validité économique de ce crédit proportionné au nombre de personnes employées par l'entreprise, car pour l'entreprise le besoin de financement dépend de son intensité capitalistique (plus ou moins forte), de son type d'activité (industrie, négoce ou service) et de son cycle de production (plus ou moins long). Ainsi, ce type de financement risque de ne pas être proportionné aux besoins réels des entreprises. Vous me direz qu'en cas d'insuffisance existe le concours bancaire traditionnel et en cas de surplus rien n'oblige d'utiliser l'excédent de crédit proposé. Pour autant, ne va-t-on pas ainsi créer une disparité de concurrence entre les entreprises, entre celles dont le potentiel de financement sera ainsi excédentaire et les autres et, aussi, entre les individus dont le potentiel de financement ne présente pas le même intérêt selon les entreprises auxquelles ils s'adressent.

Mon interrogation porte aussi sur les risques inhérents à ce type de financement lors des créations d'entreprises. Effectivement, votre proposition est ici porteuse d'avenir car les banques sont très méfiantes et prudentes pour le financement des entreprises nouvelles et ne disent-elles pas souvent « montrez-moi vos 3 derniers bilans avant toute discussion sur une ouverture de crédit » ? Mais les statistiques nous montrent que 2 entreprises sur 3 ne survivent pas plus de 3 ans après leur création. Aussi ne va-t-on courir le risque de financer quasi automatiquement des projets insuffisamment mûris et peu viables ? Quels seront en l'occurrence les organes de contrôle ?

Inversement, dans la situation des entreprises en difficulté notamment en cas de perte de débouchés ou pour tout autre raison, le salut passe souvent par une diminution des effectifs. Alors, au difficile problème de restructuration viendra s'ajouter la diminution d'une ligne de crédit proportionnelle à la réduction des effectifs… Ce ne sera pas facile à gérer.

Si l'on se projette maintenant sur le long terme je pense que dans les années à venir l'industrie sera destructrice d'emplois par suite d'une accélération et d'un renforcement de l'automatisation et, par voie de conséquence, la part les effectifs affectés aux entreprises de services à cycle court augmentera. Si bien que pour l'économie prise dans son ensemble le montant global de financement du besoin de fonds de roulement diminuera, alors que les besoins fondamentaux de financement porteront davantage sur le long et moyen terme pour l'acquisition des équipements (en majorité des robots) et pour le financement de la recherche, porteuse des innovations majeures. Or, ce ne sont pas les financements privilégiés par votre proposition. C’est pourquoi l'automaticité, un homme un crédit à court terme, ne me satisfait pas pleinement au plan macro-économique.

Enfin, vous donnez beaucoup d’importance en remboursement de la dette. Effectivement c’est un problème mais je pense que l'essentiel, dans le contexte économique présent, est de lutter contre l'extrême pauvreté avec l'instauration d'un revenu d'existence d'une part et, d'autre part, de financer l’économie du futur, génératrice de progrès et libératrice de la majeure partie des travaux contraints. C'est pourquoi il est primordial de privilégier tout investissement, et ils sont nombreux, dont la rentabilité est supérieure au taux d'intérêt de la dette. En ce cas il est alors préférable d’affecter les capitaux disponibles au financement de l'investissement plutôt qu'au remboursement de la dette qui ne profite avant tout qu'aux créanciers et non point à l’économie.

JMT

1. Le principe de l’adossement à l’emploi.

C’est une question de philosophie. Pour moi, l’intervention publique dans l‘économie doit se limiter au strict nécessaire, en l’occurrence, que chaque citoyen dispose d’une source de revenu suffisante pour lui assurer, à lui et à chaque membre de sa famille, une existence décente et une possibilité d’accomplissement personnel. Or, dans cette mission essentielle, l’État a échoué, comme en témoignent nos 5 millions de chômeurs, et les 18 millions de nos concitoyens végétant, bon an mal an, au seuil de la pauvreté (voir le rapport de l’INSEE Pauvreté transitoire, pauvreté persistante. Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2012, http://bit.ly/SEf9U3 ).

Si je place ainsi au sommet de la hiérarchie des devoirs de l’État l’objectif d’assurer le plein emploi – à rebours de la philosophie implicite actuelle qui semble avoir fait une croix sur ces 15 à 20 millions « non compétitifs » – c’est que je ne crois pas qu’une génération future de chercheurs, d’entrepreneurs, d’ingénieurs ou de techniciens hautement qualifiés puisse naître, de façon spontanée, d’une génération sacrifiée de chômeurs et RMIstes. Si nous voulons garantir l’employabilité des jeunes encore à naître, il nous faut assurer des moyens suffisants à leur parents pour les éduquer.

En revanche, l’État doit s’interdire d’imposer au marché les directions qu’il juge opportunes. Si son intervention dans l’économie se justifiait pleinement au lendemain de la Seconde guerre mondiale, quand le pays était en ruines et qu’il fallait non seulement le relever, mais poser les fondations de la France de demain, elle ne se justifie plus dans le contexte actuel, où ce qui manque est moins l’initiative publique que la créativité individuelle. J’ajoute que le niveau d’éducation, d’information et de communication des agents économiques d’aujourd’hui ne requiert plus, comme jadis, qu’ils soient placés comme mineurs ou incapables sous tutelle de l’État. Enfin, je ne crois pas que l’État sache, mieux que les entrepreneurs eux-mêmes, ce que sera “l’économie de demain”. Un géant comme LVMH a construit sa prospérité sur des métiers vieux comme la Gaule. Et McDonald’s n’est jamais qu’un vendeur de sandwiches qui a réussi. J’ai ainsi souvenir d’une Direction générale des télécoms engouffrant toute l’industrie des équipementiers français sur la voie sans issue du Minitel, négligeant l’Internet, et de France Télécom m’envoyant, jeune consultant, en Chine en 1991 pour y promouvoir son Bip-Bop (CT2) et tout étonnée quand je lui appris que le gouvernement chinois planifiait 100 millions de GSM et CDMA pour l’an 2000. « Truong, tonnait alors l’excellent Marcel Roulet, vous ne savez pas de quoi vous parlez ! »

Les seuls moyens d’action de l’État sur l’économie doivent être l’éducation, la recherche, la santé, les investissements d’infrastructure et la commande publique. Les exemples sont nombreux de l’échec du colbertisme – cf. les débâcles récentes d’Alcatel, d’Alstom et d’Areva. Voilà des entreprises gavées d’aides publiques depuis des décennies, qui ont continuellement décliné en terme d’emplois, d’innovation et de compétitivité, et qui finissent dans l’escarcelle de prédateurs étrangers : le contribuable français sème, le prédateur étranger récolte. Dans l’intervalle, l’État a accumulé une dette de 2000 milliards, allant s’accroissant en dépit de toutes les mesures d’austérité, et dont le poids est aujourd’hui tel qu’il lui interdit toute marge de manœuvre dans les domaines qui sont précisément son apanage – éducation, recherche, santé, investissements d’infrastructure et commande publique…

Vous dites : « toutes les entreprises n’ont pas les mêmes besoins de financement ». Précisément : les entreprises individuelles et TPI trouveront dans les DDT de quoi financer leur BFR. A Albi, les 27 ouvriers repreneurs de Gillet industries, "la plus ancienne fonderie de France » fournisseur officiel de Louis XIV, auraient ainsi pu compter sur 1,7 M€ de DDT. Les entreprises plus avancées dans leur existence, PME et ETI, dont le BFR est assuré par un courant d’affaires régulier, pourront y trouver les financements à moyen terme qui leur manquent, souvent de manière fatale. A Saverne, les 400 salariés de Caddie – qui a déposé son bilan pour une dette de 13,9 M€ auraient pu lui apporter 22,5 M€ de DDT. Quant aux très grandes entreprises, elles y gagneront des lignes de crédit bon marché. Ainsi, les 92 600 salariés d'Alstom lui auraient apporté 3,7 Md€ soit l'équivalent de ses fonds propres, de la moitié de sa valeur en bourse, de 75% de sa dette ou de 2,6 fois sa trésorerie brute d’alors. Avec ses 300000 salariés, l'industrie aéronautique française pourrait compter sur des concours à hauteur de 18,0 Md€. Et avec ses 160 000 salariés, EDF se verrait ouvrir une ligne de crédit de 9 Md€, hors consolidation familiale des dots - soit 26,7% de son endettement total de 33,73 Md€ au 30 juin 2013.

Ainsi, la répartition des DDT entre financements court terme et long terme, entre BFR et investissements, s’ajustera-t-elle spontanément à mesure que l’entreprise progressera. La seule limite à l’utilisation des DDT pour des investissements lourds dépendra de la situation de liquidité de la Caisse, c’est pourquoi l’automaticité n’est-elle plus de plein droit au-delà d’un certain montant. De même, au-delà de 3 ans, la durée du prêt demande une appréciation des chances de survie de l’entreprise à l’échéance envisagée : la Caisse ne peut donc y affecter de DDT qu’en complément de l’intervention de financements traditionnels, les banques d’affaires et fonds d’investissement étant mieux équipés qu’elle pour évaluer ce risque.

Dans tous les cas, les entreprises bénéficiaires de DDT seraient en meilleure position pour négocier sur le marché des financements complémentaires pour leurs investissements, les banquiers étant plus enclins à prêter leur concours à des entreprises dont l’exploitation courante est déjà financée.
Quant à la « disparité de concurrence » éventuellement créée, elle serait sans commune mesure avec celle qui depuis des décennies fausse la donne, avec 90% des 200 milliards annuels aides publiques profitant à moins de 10% des entreprises, et qui est responsable de l’aspect actuel du paysage industriel français, où de rares îlots de prospérité flottent – pour combien de temps encore, voir Alcatel, Alstom et Areva – au milieu d’un océan de misère, ainsi que de la distorsion du marché lui-même, où la France excelle dans les technologies du passé sans se donner les moyens de saisir celles du futur.

2. La gestion du risque.

J’ai consacré à cette discussion toute l’annexe J et le sujet est loin d’être épuisé. Notons simplement que si l’allocation de ressources résultant de mon dispositif n’est pas parfaite, elle ne peut être pire que celle découlant du système actuel d’aides publiques sans contreparties à une minorité d’entreprises privilégiées, qui coûte à la Nation 200 milliards par an, pour le résultat qu’on sait : chômage record, plombage de l’innovation et de la compétitivité de nos entreprises, recul de nos parts de marché, déficit budgétaire et au final une dette publique de 2000 milliards. Pour perdre, comme nous le faisons ainsi à coup sûr en les offrant sans contrepartie à quelques privilégiées, 200 milliards par an, il faudrait que la totalité des entreprises françaises bénéficiant de DDT déposent leur bilan en même temps.

Quant aux statistiques sur l’espérance de vie des startups, seraient-elles si préoccupantes si le financement de leurs premiers pas était assuré par les DDT, sachant que le défaut de financement de leur BFR est leur principale cause de mortalité ? Vous soulignez à juste titre la frilosité des banques, qui ne financent plus depuis belle lurette les startups, TPI et PME indépendantes : 80% des 1000 milliards d'encours de crédits bancaires aux entreprises vont à 20% d’entre elles, pour l’essentiel celles du CAC40 et leurs filiales. Les DDT financeront donc les besoins de trésorerie d'une clientèle dont les banques se sont d'ores et déjà détournées. Cette situation va encore s’aggraver avec l’entrée en vigueur des critères de capitaux propres de Bâle III, qui rendront les crédits aux PME trop coûteux en réserves pour les banques. Celles-ci vont donc tout naturellement se tourner vers le segment du marché qui leur coûtera le moins cher en capitaux immobilisés : celui des grandes entreprises.

Enfin, le contrôle. Ce sera en première ligne la responsabilité des détenteurs de dots eux-mêmes, les salariés, qui auront un intérêt à en surveiller le bon usage : c’est de leur argent qu’il s’agit. Pour les auto entrepreneurs et les créateurs d’entreprise, on pourrait en outre imaginer un dispositif de Co surveillance, à l’instar de ceux mis en place pour les microcrédits ; pour les jeunes dirigeants de PME, un dispositif inspiré des clubs d’investisseurs ; dans tous les cas, les commissaires aux comptes verraient renforcer leur mission de contrôle et étendre leur mission d’information aux nouvelles parties prenantes : salariés apporteurs de DDT ou leurs représentants, Caisse.

Notons pour finir que la montée en régime graduelle du dispositif – sur dix ans – limitera le risque à une fraction des 2000 milliards de DDT – 1/10 la première année, 2/10 la seconde, etc. – offrant ainsi aux divers acteurs une possibilité d’apprentissage et aux régulateurs celle d’observer leur comportement, d’ajuster les règles de fonctionnement du système et d’en éjecter les fraudeurs dès leur première manifestation.

3. Le cas des entreprises en difficulté.

Ce dispositif n’est pas fait pour empêcher la nécessaire « destruction créatrice » des canards boiteux, mais pour prévenir la disparition prématurée d’entreprises saines en raison de circonstances extrinsèques, comme la crise actuelle de la dette et ses conséquences sur le crédit. Quant aux canards boiteux, il retarde autant que possible le moment fatal, mais lorsqu’il survient, dans un geste de miséricorde, abrège les souffrances de l’agonisant, tout en conservant intacte la capacité de financement de ses salariés, qu'ils emportent avec eux, à la disposition de leur nouvel employeur : grâce aux DDT, si le Titanic coule, les passagers et membres d'équipages restent insubmersibles. Contrairement aux aides actuelles qui ne sont souvent que de vains soins palliatifs, qui n'empêchent ni la perte du navire, ni celle de l'équipage.

4. La question des financements à privilégier dans un contexte de disparition du travail.

Je partage votre vision de l’évolution à long terme de l’emploi. A très long terme, je crois même à la disparition totale du travail humain (mon essai sur le sujet, Totalement inhumaine, date de 2003). De quels revenus vivrons-nous alors, sachant que ce ne peut être que de ceux du travail ou de ceux du capital ? La réponse vient d’elle-même : de ceux du capital, investi notamment dans les moyens de production non humains. Ce à quoi nous devons donc réfléchir si nous sommes cohérents avec cette vision du futur, c’est au moyen de capitaliser les travailleurs, à un niveau tel que le revenu de ce « capital de base » leur assure l’existence décente et la possibilité d’accomplissement personnel évoqués en introduction.

Je pense que le dispositif exposé dans « Reprendre » pourrait être l’amorce d’une telle mutation. Dans un premier temps orienté vers le financement des entreprises employant les travailleurs, il pourrait, à mesure que l’emploi se raréfierait, être ouvert à celui de portefeuilles d’actions par les titulaires des dots. Limité à dix ans dans sa version actuelle – soit 20000 euros de dot initiale à 18 ans ou 56000 euros en moyenne – on pourrait imaginer de le prolonger de manière à accroître le montant du capital ainsi confié à la gestion des travailleurs jusqu’au niveau de revenu jugé nécessaire.

Je ne méconnais pas la somme de travail, de documentation, de réflexion, d’enquête, de simulation, d’analyse des précédents, sans parler de vulgarisation et de conviction qui sera nécessaire pour faire mûrir ce projet. Mieux que quiconque, vous savez cela. Mais, comme disent les Chinois, le plus long voyage commence par un premier pas.

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