En
2025, la planète achève sa transition
démographique. Le phénomène de
chute de la fécondité et d'allongement
concomitant de la durée de vie, déjà
responsable du vieillissement des pays industrialisés,
frappe à présent l'ensemble des pays en
voie de développement.
Partout
dans le monde, des légions de vieillards pèsent
de plus en plus lourd sur le destin des plus jeunes.
En Chine, quatre cents millions de vieux sans ressources
font concurrence à leur propre progéniture
sur le marché de l'emploi, acceptant pour survivre
n'importe quel job à n'importe quel prix. Du
fait du coût dérisoire de cette main d'œuvre,
la Chine finit d'attirer sur son territoire les dernières
entreprises occidentales ayant jusqu'à ce jour
résisté aux charmes de la délocalisation.
Elle est devenue la manufacture de la planète,
une manufacture entièrement peuplée de
vieux. Incapables de gagner leur vie chez eux,
les jeunes Chinois n'ont d'autre issue que d'émigrer,
et c'est par millions qu'ils débarquent en Europe,
où ils entrent à leur tour en compétition
pour les rares emplois peu qualifiés subsistants
avec les jeunes autochtones, eux-mêmes écrasés
par leurs propres parents : poids conjugué
de leurs retraites, du déficit creusé
par leurs dépenses de santé dans le budget
de la sécurité sociale et du service de
la dette résultant de leurs excès passés.
Partout
dans le monde, des légions d'adolescents rêvent
à des moyens de se débarrasser de ce fardeau.
On ne parle plus de « respect dû aux
anciens » ou de « solidarité
entre générations » mais, de
plus en plus ouvertement, de parasitisme social, de
vampirisme, de légitime défense d'une
génération saignée à blanc
par celle qui lui a donné le jour. On se dit
qu'un producteur vaut plus qu'un inactif, un entrepreneur
plus qu'un retraité, un créateur plus
qu'un oisif, et qu'après tout, en temps de disette,
quand les ressources ne permettent plus de nourrir tout
le monde, il est légitime de donner priorité
à la vie qui vient sur celle qui n'est déjà
plus tout à fait là. Un mot revient souvent
dans les conversations : Euthanasie...
Jean-Michel
Truong