Quel
lecteur un peu sensible et imaginatif n'a pas tremblé
à l'évocation du Golem, ce terrifiant
personnage modelé dans l'argile pour accomplir
les tâches serviles et qui, ayant échappé
à son maître, terrorisait le vieux quartier
juif de Prague ?
Cette histoire fantastique,
si lourde de symboles pour tous les peuples moralement
façonnés par la Bible, risque-t-elle de
devenir bientôt réalité ? "Oui",
nous assure dans un stupéfiant roman Jean-Michel
Truong, chercheur en informatique et créateur
d'une des premières sociétés au
monde à s'être spécialisée
en intelligence artificielle.
Dans le monde futur qu'il
nous dépeint, une armée de clones humains,
créés à l'aide d'embryons et élevés
en laboratoire, servent à tous les besoins de
la société. Non seulement, il leur revient
d'assurer tous les travaux pénibles que les vrais
hommes ne veulent plus accomplir, mais ils sont destinés
aussi à fournir les organes indispensables aux
opérations chirurgicales. On crierait à
la science-fiction et à l'imagination délirante
si l'on ne savait, de source sûre et vérifiée,
que certains pays, comme la Chine ou l'Union Soviétique,
ont commencé à s'engager dans cette voie.
Certes, leurs recherches dans ce domaine mystérieux
de la biotechnologie en sont encore au stade expérimental
mais Jean-Michel Truong croit à la réalité
du péril et se dit même persuadé
que l'humanité vient de s'engager là dans
un mécanisme sans retour.
Incroyable perspective,
pourtant, que celle d'un retour à l'esclavage
dans des sociétés qui s'apprêtent
à aborder le troisième millénaire.
Mais combien de dérapages actuels ne nous font-ils
pas pressentir que la science est devenue un absolu
aux yeux de certains chercheurs qui ne veulent plus
reconnaître aucune limite morale ni admettre aucun
interdit à leurs travaux ?
" Science sans conscience
n'est que ruine de l'âme ", écrivait
déjà Rabelais en son temps.
Il faudra songer à
éliminer définitivement des programmes
scolaires ce dangereux perturbateur
© La Voix du Nord,
10 mars 1989