Le Successeur de pierre
Critique des lecteurs

 

Actualité de l'auteur

Interviews et portraits

Dialogue avec l'auteur

Facebook

 

 

 

Palpitant et énervant

par Sarabé       

Une chose est sûre : ce roman de science-fiction construit comme un polar se dévore avec avidité. A travers la quête d'un texte apocryphe de Saint Pierre, il nous dessine une vision terrifiante et sarcastique de l'évolution du monde libéral, où les avancées technologiques et la course au profit achèvent de cloisonner la société en "inclus" et en "exclus"… Tous ces ingrédients en font une réussite du genre, qui mérite bien d'avoir décroché le grand prix de l'Imaginaire 2000.

Là où je me sens nettement plus réservée, c'est quand je considère ce livre comme l'exposé romancé d'une thèse qui tient l'auteur à cœur (et qu'il développe dans son essai "Totalement inhumaine" ainsi que sur son site personnel) : l'espèce humaine n'est que le tremplin temporaire d'une entité intelligente, qui lui succèdera en empruntant une "incarnation" plus parfaite, plus conforme à ses objectifs. Bon. Je ne suis vraiment pas une spécialiste des nouvelles technologies et du développement de l'intelligence artificielle, je veux bien admettre que celle-ci devient de plus en plus autonome et ne nécessite plus un support organique… Mais de là à y construire les bases d'une nouvelle religion ! Car c'est bien, il me semble, ce que tente Truong : ce "Successeur" hypothétique dont il annonce la venue a toutes les caractéristique d'une divinité, et il la traite comme telle : son avènement est inexorable, ses voies sont inchangeables, l'homme n'est qu'un misérable trognon qui n'a plus qu'à se résigner, même dans le domaine politique et économique, puisque de toutes façons, le "Successeur" en a décidé ainsi.

Ce genre de pensée doublement nihiliste, puisque morbide d'un côté et mystique de l'autre (il n'y a rien à faire et de toute façon nous ne sommes responsables de rien) est sûrement ce qui me met le plus hors de moi. Ces prophéties résignées et paranoïaques sont d'une terrible vanité : au sens d'un orgueil d'abord (prétendre détenir une vérité finale) et au sens d'une inutilité ensuite : que l'homme soit une espèce vivante susceptible d'extinction n'est pas un scoop, me semble-t-il, et cela ne change rien à notre monde. Critiquer l'état des choses, les dangers de notre société, pour s'arrêter résigné à une volonté transcendante, revient à ne rien critiquer du tout. Et à s'interdire d'agir. Non, me répondrait sans doute Truong, on peut tout de même agir, comme le font certains personnages du "Successeur de pierre" dans les dernières lignes du roman. Une poignée d'élus qui "savent" et suivent des principes insaisissables… Mouich. Voilà un goût amer de déjà-vu, non ? Décidément, tout cela ne m'est guère sympathique.

Sarabé, 11/06/2002
http://www.zazieweb.fr/site/fichelivre.php?num=1567&commentaire1=hop

retour à la page Critiques Lecteurs