Totalement inhumaine
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Un essai pour ceux qui détestent les essais

par Denis Guiot

Extrait de la quatrième de couverture de Totalement inhumaine : "  Avec cet essai, (l’auteur) poursuit la réflexion amorcée dans ses précédents ouvrages Reproduction interdite et Le Successeur de pierre. "

Double malentendu !

Premièrement, Totalement inhumaine ne " poursuit " pas la réflexion à l’œuvre dans Le Successeur de pierre mais, au contraire, la précède.

Deuxièmement, un essai est une production intellectuelle qui a la désagréable habitude d’être souvent d’un ennui mortel pour le commun des lecteurs ; or le texte de Truong est d’un humour décapant et se lit … comme un roman (bien qu’éculée, cette expression retrouve ici toute sa justesse !) .

Même s’il a écrit Totalement inhumaine de mars à décembre 2000, il est clair que Truong porte en lui cette thématique depuis longtemps et qu’elle lui a servi de charpente au roman Le Successeur de pierre. Ainsi, la phrase de la page 49 " J’appelle Successeur cette forme de vie nouvelle susceptible de prendre la suite de l’homme comme habitacle de la conscience " pourrait servir de résumé au roman, si ce n’est qu’elle le déflore ! Ou encore l’humanité (le Cheptel) considéré comme " combustible du Successeur ". Inutile, je pense, de multiplier les exemples. Avec Totalement inhumaine, Jean-Michel Truong explicite le soubassement théorique du Successeur de pierre. Ni plus, ni moins. Et à ce titre, sa lecture est passionnante.

D’autant plus passionnante, que l’auteur a refusé de se réfugier derrière une écriture floue, hermétique ou pontifiante … ce qui est rare pour un essai ! Il a fait le choix de la lisibilité (style soigné, parfois poétique, clarté de l’expression, rigueur de la démonstration) et s’est constamment préoccupé de son lecteur, n’hésitant pas à utiliser les armes de l’humour (ex : " Fin du monopole de la bande des Quatre - carbone, hydrogène, oxygène et azote — sur le marché du vivant ", " Al Carbone et ses complices " p 33, etc.), de la dramatisation, voire du suspense (certes, en abusant peut-être de l’anthropomorphisme) pour accaparer son attention et accroître son pur plaisir de lire. Ce faisant, confiant dans l’intelligence de son lecteur, Jean-Michel Truong n’en a pas pour autant diminué ses exigences ou affadi son propos, bien au contraire. Cela s’appelle de la pédagogie, ou encore du respect du lecteur (cette démarche était aussi celle du romancier Truong dans Le Successeur de pierre).

Convoquant Nietzsche, Leroi-Gourhan pour sa  " biologie de la technique ", Dawkins et ses mèmes, Bourdieu et bien d’autres, Truong réussit l’exploit de faire tenir en 220 pages une thèse iconoclaste, roborative tout en étant formidablement désespérée, à la portée de tout lecteur de bonne volonté. Sans doute, par sa forme — virulente et imagée - peut-être plus proche du pamphlet, l’essai de Truong prend-il à contre-pied les essais traditionnels, souvent fumeux, prétentieux, pesants et élitistes. Mais l’auteur a l’habitude d’appeler un chat un chat et, tout comme son maître Nietzche, de " philosopher à coups de marteau " (c’est-à-dire de " cogner comme sur une cloche pour voir quel son cela rend "). J’aime !

© Mauvais Genres  30-déc.-2002

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