Voici un ouvrage radicalement optimiste qu’il
faudrait offrir à la classe dirigeante française,
en ces temps troublés où l’Etat,
pris au piège de son propre endettement,
constate qu’il n’a plus de marge de
manœuvre ; où la gauche
comme la droite découvrent qu’elles
n’ont plus de programme et que, peut-être,
elles ne servent plus à rien, puisque l’
« on a tout essayé »
et que d’ailleurs « l’Etat
ne peut pas tout » ; où
les foules des pays cigales s’agitent dans
les rues, indignées par l’austérité
qu’on leur impose ou que leurs dirigeants
préparent sans oser le leur dire ; où
une partie de l’équipage, au lieu de
pomper, pense à quitter le bateau Euro qui
prend l’eau, pour partir à la nage
sans penser aux requins.
Le
message de Jean-Michel Truong est tout entier contenu
dans le titre à clé de son ouvrage :
« Reprendre ». Il est temps
que « les peuples se reprennent et, se
reprenant, se reprennent à rêver ».
Il est temps qu’ils reprennent le
contrôle de leur argent et le confient à
des mains plus avisées que celles des démagogues
et de la technostructure opaque qui nous gouvernent
depuis des décennies.
Au
départ, l’analyse du conseiller international
d’entreprise qu’est J-M Truong se résume
à une poignée de chiffres, empruntés
à la Cour des comptes et à la Commission
du budget de l’Assemblée nationale :
chaque année, le pouvoir français
distribue aux entreprises 200 milliards d’euros,
sous formes d’aides directes (27 Mrds) ou
indirectes plus ou moins opaques (174 Mrds) sans
autre résultat net que de fabriquer davantage
de chômage, davantage de sous-investissement
dans le futur, davantage de déficit du commerce
extérieur, davantage de dette souveraine.
Dans le même temps, l’Etat ne récupère
que 125 Mrds sous forme de prélèvements
divers (il lui en faudrait 80 de plus pour
équilibrer son budget), tandis que 65 Mrds
partent rémunérer les émirs
pétroliers et les fonds de pension anglo-saxons.
Continuer d’injecter chaque année 200
Mrds, aux frais du contribuable, pour n’en
récupérer qu’une fraction tout
en désindustrialisant le pays est clairement
suicidaire, mais si confortable pour beaucoup.
Le
remède du docteur Truong est aussi simple
que son analyse. Primo, transférer aux particuliers
– sous la forme de dots individuelles –
l’usufruit de ces 200 Mrds et les déposer
en leur nom auprès d’une Caisse indépendante,
qui investit intelligemment sous contrôle
direct des citoyens (devenus Wikoyens par
la grâce de l’internet). Secundo :
introduire dans la Constitution une disposition
interdisant à l’Etat d’apporter
un quelconque concours au secteur marchand sans
contre-partie. Tertio, les concours au secteur marchand
sont administrés par les citoyens et par
eux-seuls (comme dirait Alain Madelin, on ne
laisse pas le lait à la garde du chat).
L’auteur
précise ensuite le fonctionnement de cette
Caisse autonome, qui transforme les anciennes libéralités
en crédits bien gérés, tout
en développant une solidarité capital-travail
chère à De Gaulle : dot initiale
de chacun des 38 millions de citoyens, droits de
tirage (DDT) pour les entreprises - à hauteur
maximale des fameux 200 Mrds -, formules de leasing pour
financer les investissements à moyen terme,
capitalisation de la dot individuelle pour constituer
un appoint de retraite (74.000 euros après
impôts, calcule J-M Truong), etc.
En
l’espace de deux ou trois quinquennats, ce
dispositif original pourrait représenter
une force de frappe de 2.000 Mrds d’euros,
soit 10 fois les réserves de la Banque de
France, 2,5 fois la capacité d’intervention
du FMI, 2 fois celle du Fonds européen de
stabilité financière, 20% de la masse
monétaire de l’Eurozone… et davantage
que la dette souveraine française.Première
puissance financière indépendante
des marchés, cette Caisse constituerait un
élément de stabilité dans le
monde sans scrupules des institutions bancaires too
big to fail et des exubérances
irrationnelles du speed trading. Et
pourrait être un exemple pour d’autres
institutions du même genre, soucieuses de
préparer l’avenir au lieu de soutenir
en pure perte les diplodocus industriels moribonds
du siècle passé. On ne sauve pas l’emploi
avec des parachutes, on en crée de nouveaux
avec de l’audace. On ne rembourse pas ses
dettes en empruntant, mais en exportant davantage.
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